Question orale du 30/06/2015 à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l’Energie
Monsieur le Ministre, les pouvoirs locaux belges ont été intégrés dans la stratégie d’assainissement des finances publiques. Ils sont aussi soumis aux normes comptables dites SEC 2010.
Selon l’analyse de Belfius concernant « les pouvoirs locaux dans le cadre du pacte de stabilité budgétaire et des normes SEC » de mai 2015, une des conséquences macroéconomiques déja perceptibles pour les pouvoirs locaux consiste en une réduction des investissements publics locaux. L’étude rappelle que ces investissements constituent traditionnellement une part prépondérante des investissements publics dans notre pays.
Vous l’avez souligné lors d’une précédente question orale en commission, le 19 mai 2015 : les investissements publics constituent un moteur important de la croissance et de l’emploi. Vous avez, a cette occasion, exposé votre point de vue, que je partage, sur la manière de sortir de la crise : l’austérité imposée par le Gouvernement fédéral et l’Europe est une manière longue, injuste, et la moins démocratique pour sortir d’une crise.
L’analyse de Belfius propose des pistes de réflexion pour préserver une capacité d’investissement et minimiser l’impact sur les normes budgétaires. Outre la révision des critères budgétaires européens, Belfius propose des solutions financières neutres en termes SEC, par exemple, le leasing opérationnel, les contrats de concession, certaines formes de partenariat public/privé, les PPP, mais aussi le recours aux régies communales autonomes, associations de CPAS ou intercommunales qui pourraient, selon certaines conditions, être en dehors du périmètre de consolidation du secteur public.
Ces approches impliquent un dessaisissement dans la gestion de la part de l’administration publique.
Tout d’abord, partagez-vous l’analyse de Belfius ?
Plus particulièrement, quelle est votre analyse a propos de ces pistes de réflexion ? Y voyez-vous une opportunité de maintenir les investissements des pouvoirs locaux ? Confirmez-vous la tendance a une diminution des investissements publics des pouvoirs locaux suite aux réglementations européennes ?
Cela est-il perceptible sur le premier semestre 2015 ? Constatez-vous une modification des sources de financement dans les investissements des pouvoirs locaux ?
Réponse du Ministre
Madame la Députée, tout comme vous, j’ai pris connaissance de l’étude publiée par Belfius concernant les Pouvoirs locaux dans le cadre du Pacte de stabilité budgétaire et des normes SEC. Je m’excuse pour la longueur de la réponse, mais la question étant essentiellement technique, je devrais m’y astreinte.
J’ai la chance d’avoir a ma disposition plusieurs études des plus intéressantes réalisées par la DGO5 sur le solde de financement SEC des communes et sur l’évolution des dépenses d’investissements. Ainsi comme cela a été expliqué en Commission parlementaire, en début d’année, lors d’auditions parlementaires, j’ai chargé mon administration, il y a maintenant près de quatre ans, d’une part, d’organiser la collecte des statistiques locales demandées par l’ICN et, d’autre part, de réaliser des études sur cette thématique.
En ce qui concerne l’évolution du solde de financement, on constate au départ des comptes provisoires 2014 que les communes présentent un solde négatif essentiellement dû au fait qu’une part plus importante des investissements réalisés en 2014 a été financée via les fonds de réserve qui ne sont pas comptabilisés dans le calcul du solde de financement SEC.
Par rapport a l’évolution des dépenses d’investissements, j’ai ici quelques chiffres que je tiens a votre disposition et qui reprennent l’évolution entre 2006 et 2014 des dépenses imputées aux comptes, comptes provisoires pour 2014 et aux comptes définitifs pour les autres années, a l’exercice propre et aux antérieurs ainsi que le montant total des prévisions budgétaires inscrites aux budgets initiaux entre 2006 et 2015 a l’exercice propre et aux antérieurs.
Nous constatons d’emblée que :
– les chiffres élevés pour 2011 et 2012 sont
caractéristiques d’une fin de législature ; je le répète a chaque fin de législature, non pas que l’on va voter, contrairement a ce que j’ai entendu, mais c’est le signe d’investissements dans une commune et il ne faut pas toujours y voir un caractère purement électoraliste ;
- le montant total des investissements augmente légèrement dans les comptes provisoires 2014 par rapport aux comptes 2013. Ce qui montre aussi que cette fameuse balise d’investissement, qui n’est jamais atteinte, n’est vraiment pas contraignante pour les communes ;
- les prévisions aux budgets initiaux 2015 présentent une diminution, mais en bien moins grande mesure que ce qui était annoncé.
La balise d’emprunts introduite en 2014 a amené les communes a améliorer la qualité de leurs prévisions en matière d’investissements. Ce qui est prévu se rapproche de la réalité. Il faut convenir parfois qu’avant, les budgets extraordinaires étaient un catalogue de bonnes intentions qui impliquaient qu’une série d’investissements ne seraient jamais réalisés.
Il faut tenir compte de la mise en place des zones de secours qui va provoquer une baisse des investissements communaux en matière d’incendie, investissements communaux qui seront remplacés par des subsides en capital octroyés aux zones de secours. Globalement, cela ne modifie pas le système.
Faut-il s’inquiéter de cette évolution des dépenses d’investissements ? Je ne le pense pas, car les premiers comptes définitifs 2014 confirment les tendances observées dans les comptes provisoires 2014: les dépenses d’investissements réellement réalisées sont en hausse par rapport a 2013, mais surtout le taux de réalisation des dépenses d’investissements est lui aussi en hausse. Ce qui traduirait une amélioration de la qualité de gestion des communes dans la prévision de leurs investissements.
Les comptes 2015, lorsqu’ils seront disponibles, début2016, nous indiquerons si cette tendance se confirme ou non. L’importance est le montant des réalisations et non les prévisions budgétaires.
Par rapport aux sources de financement des investissements des pouvoirs locaux, l’on peut, en effet, constater un glissement dans le mode de financement des investissements. Au départ des comptes provisoires 2014, l’on constate que les emprunts réellement contractés ont tendance a diminuer, alors que les investissements augmentent. C’est qu’il y a d’autres sources de financement.
Ceci signifie que la part des investissements financés par emprunt a tendance a diminuer et que les communes ont recours a d’autres sources de financement comme les subsides en capitaux octroyés par d’autres niveaux de pouvoir et les fonds propres liés a la vente de patrimoine ou l’utilisation de fonds de réserve extraordinaires. La tendance semble se confirmer sur base des premiers comptes définitifs 2014 transmis par les communes.
En ce qui concerne les propositions formulées par la banque Belfius, j’encourage les collaborations avec des structures, hors périmètre, mais il y a une série de
bémols. Eurostat peut, dans certains cas, apprécier a nouveau des situations et modifier son jugement en fonction d’éléments complémentaires qui lui seraient fournis.
J’illustrerai ce propos en prenant par exemple le cas de l’intercommunale Igretec qui faisant partie du périmètre public et qui, suite a la transmission d’informations financières complémentaires qui ont été consolidées, s’est vue requalifiée en fonction de l’appréciation de son volume d’activités commerciales liées a l’intercommunale et sortir du périmètre. Ce qui est possible dans un sens l’est aussi dans l’autre. Il y a des appréciations différentes.
La solution des PPP est une piste intéressante, mais j’insiste sur le pourtour un peu flou que ce type d’action présente. Si, par exemple, nous nous penchons sur la problématique du tram de Liège, la manière dont l’ICN apprécie notamment la notion de transfert de risque par rapport a la décision finale d’Eurostat ne présente pas un caractère figé et sera peut-être amenée a fluctuer dans le temps.
Au niveau des contrats de concession et du leasing opérationnel, il nous faut encore analyser plus en profondeur la question afin de fournir une position construite, claire et fiable qui tiendra compte du contexte économique et social et des particularités des pouvoirs locaux. À première vue, ces possibilités semblent intéressantes. À noter qu’un leasing est toujours plus cher qu’un emprunt, puisqu’il y a une couverture. Je ne suis pas sûr que cela soit miraculeux.
Je profite, par ailleurs, de la présente pour vous informer que j’ai initié certaines mesures.
Il y a tout d’abord la balise d’emprunts introduite en 2014. Elle a comme objectif d’amener les communes a mieux prévoir leurs investissements de sorte que le taux de réalisation de ces derniers s’améliore, et donc de fournir un budget qui est plus proche d’un budget-vérité, les budgets communaux sont des outils de gestion qui doivent être le reflet de la réalité des activités de la commune.
Les communes ont la possibilité de déroger auxdites balises dans certains cas précis énoncés dans la circulaire budgétaire, telles que les investissements productifs, rentables ou de nature a répondre aux normes de sécurité et d’hygiène, de même que ceux prévus dans le cadre de projets cofinancés par l’Union européenne.
Comme j’ai déja eu l’occasion de le préciser lors de précédentes questions parlementaires, les demandes de dérogation a la balise d’investissements doivent être adressées a mon attention par les autorités communales avec copie au CRAC. Elles doivent en outre être introduites au préalable, c’est-a-dire avant de pouvoir le prévoir budgétairement et être accompagnées de plans financiers nécessaires.
Je conviens que la réponse va largement au-dela de votre question et que je dois maîtriser un peu ceux qui rédigent.
Le nombre de dérogations accordées pour le budget 2015 concerne une centaine d’investissements, ces demandes émanant de près de 50 communes et représentent quelque 34 millions d’euros.
De multiples arguments justifient, a eux seuls ou cumulés a d’autres, l’octroi des dérogations, que je peux vous résumer, grosso modo, mais que je ne ferai pas étant entendu que ce n’est pas l’objet de votre question.
J’insiste sur le fait que chaque dossier est examiné au cas par cas, en fonction des spécificités locales et des données et justificatifs fournis par l’autorité communale. Celle-ci doit justifier sa demande de circonstances exceptionnelles et/ou spécifiques afin que je puisse considérer mon analyse.
Par ailleurs, j’ai constitué un groupe de travail qui réfléchit, actuellement, aux actions concrètes qui permettraient de mobiliser les bonis des exercices antérieurs et les fonds de réserve afin de réaliser des investissements par le biais de prises de participations auprès de structures hors périmètre des administrations publiques
Je vous remercie pour votre réponse plus que détaillée, Monsieur le Ministre. Je pense néanmoins, pour le vivre dans ma commune, en tant que responsable des finances, commune socialiste que vous connaissez bien, comme dirait M. Bouchez, mais qui n’est pas sous CRAC, que dans votre analyse, peut-être devrait-on tenir compte de l’endettement des villes pour définir les balises de 180 euros par habitant, car si je prends le cas actuellement, tous nos projets subsidiés arrivent a terme et je vais devoir en financer sur fonds propres, parce que je ne peux pas atteindre cette balise d’emprunt. C’est un souci alors que la dette est minime. Voila peut-être un critère a tenir compte l’endettement des communes pour déterminer cette balise.
L’enregistrement mp3