Question orale du 27/11/2017 à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l’Environnement, de la Transition écologique, de l’Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
Ecoutez la question (à partir de la minute 25)
Monsieur le Ministre, depuis des mois vous mettez en évidence le travail des centrales de mobilité. Elles sont, selon vous, une bonne réponse aux besoins de mobilité dans les zones rurales. Dans ma commune, par exemple, la centrale de mobilité a remplacé beaucoup de manques au niveau des transports.
Mon intervention concerne votre volonté d’organiser le secteur de la mobilité rurale sous une structure unique de coordination régionale et, par là même, la suppression des aides dévolues aux centrales de mobilité locales actives aujourd’hui, notamment celles destinées à l’ASBL Mobilesem, pourtant reconnue par la Wallonie comme expérience pilote innovante pour la mobilité en milieu rural. Si vos objectifs de clarification et d’accessibilité de l’offre sont louables et bien que vous proposiez à l’ASBL qu’elle puisse mettre son expérience et son personnel au service de la future centrale régionale, cette décision, qui concerne également d’autres centrales de mobilité, est extrêmement préoccupante pour plusieurs raisons.
Un rapport remis par le bureau d’études technique et espaces mobilités recommandait explicitement, en janvier 2015, la mise en place de deux niveaux d’action : le premier destiné à coordonner l’ensemble des centrales de mobilité sur tout le territoire wallon et le second à l’échelle supracommunale où agiraient les centrales de mobilité coordonnant l’offre de transport local. Aujourd’hui, ce projet ne reprendrait plus que le niveau de coordination régional rendant, de facto, les centrales de mobilité inéligibles aux financements régionaux et expliquant votre décision à l’égard des centrales de mobilité locales. Or, ce niveau supracommunal nous paraît essentiel en termes de gouvernance de la mobilité rurale. Coupée des dynamiques de terrain, votre vision centralisatrice fait fi des démarches ascendantes qui ont apporté la preuve de leur efficacité de terrain répondant ainsi à la diversité des besoins particuliers qui arrivent chaque jour à ces centrales.
À ce jour, trois centrales sont déjà très actives sur leurs territoires respectifs – Mobilesem, MobiliSud et MobiCondroz – et cinq sont au stade du développement. Refuser de les reconnaître et de les soutenir financièrement, c’est briser un chaînon essentiel qui fait ses preuves chaque jour sur le terrain et, à terme, les condamner. La question de la mobilité dépasse de très loin la question des transports et Mobilesem a notamment construit son action pour qu’elle réponde à différents défis : celui de la cohésion sociale, le risque de la fracture numérique, environnement ou encore défis budgétaires au regard des moyens communaux de plus en plus contraints.
Sur base des ces constats, j’en viens à vous poser les questions suivantes.
Pensez-vous qu’un organe centralisé à Namur puisse relever tous ces défis ? Comment comptez-vous prendre en compte les spécificités locales ? Sur quelle évaluation vous êtes-vous basé pour opérer cette réorientation ? Quelles seront les missions précises de votre coupole régionale sur le plan budgétaire ? Via quelle allocation allez-vous financer sa mise en place ?
Quel est son budget prévisionnel 2018 ? Quel sera le devenir des centrales dans ce contexte ? Quelles en seront les conséquences sur les finances des pouvoirs locaux ? Sachant que les communes ne pourront certainement pas compenser la suppression du subside de la DGO2 – je pense notamment à la suppression des 45 000 euros de Mobilesem que je connais particulièrement –, quel est le devenir du personnel des ces ASBL ?
Nous souhaitons des réponses précises et concrètes vu que janvier 2018 est tout proche et que ces questions concernent pas mal de membres du personnel, mais également des centaines de milliers d’habitants qui ont recours à ces centrales. Je vous en supplie, Monsieur le Ministre, ne reportez pas ce manque de financement sur les finances communales quand on sait à quel point elles sont déjà fortement sollicitées. Je vous remercie pour vos réponses.
La réponse du Ministre
Madame la Députée, c’est toujours compliqué quand on met en place des projets pilotes : à un moment donné, on se dit que les pilotes ont livré les résultats que l’on attendait d’eux et qu’on va les généraliser sur le territoire. À ce moment-là, au moins un des trois pilotes dit qu’il doit continuer à exister tout seul dans son coin. Le Gouvernement a prévu 1,1 million d’euros inscrits au budget 2018 pour avoir un système de mobilité en zone rurale qui soit une centrale générale pour toute la Wallonie avec des relais sur le terrain.
Ce qui est désagréable dans la communication récente qui inspire votre question, c’est que les acteurs eux-mêmes ont été sollicités pour être les pilotes de ce nouveau dispositif. On leur a demandé : « Voulez-vous y travailler ? C’est vous l’expérience pilote, l’expérience pilote, ce n’est pas que vos rapports annuels, c’est l’expertise que vous avez acquise depuis ces années ». On veut reprendre tout le monde et même piloter le projet. Je suis un peu en train de changer d’avis sur le pilotage : on veut prendre tout le monde, je tiendrai mes engagements, mais sur le pilotage, si l’on y vient à reculons, ce n’est pas une manière de faire en sorte de susciter l’adhésion et la confiance.
Je confirme avoir eu l’occasion de soutenir différentes expériences de coordination qui ont mené à une série de résultats. Aujourd’hui, nous avons une bonne vue d’ensemble. Nous devons apporter une réponse globale : il n’y a pas que dans ces trois régions de Wallonie qu’un problème de mobilité rurale se pose ; l’enjeu de cette mobilité rurale est pour l’ensemble du territoire. L’action prioritaire pour répondre aux besoins spécifiques des zones moins desservies par les transports publics est de mettre en place une coordination régionale, des initiatives de mobilité complémentaire et une mise à disposition d’outils et de solutions performantes qui centralisent des solutions.
Je pense notamment à une application informatique – elle est en préparation – qui sera doublée d’un 0800 parce que tout le monde n’a pas la possibilité d’avoir un accès facile à ces applications, avec une orientation du client vers des solutions structurantes. Le premier niveau de solution sera la manière dont fonctionne actuellement Mobilesem, mais sur l’ensemble du territoire : les TEC et la SNCB comme premier niveau d’intervention, les taxis sociaux, les opérateurs locaux, le covoiturage, un chauffeur volontaire utilisant son véhicule personnel – c’est le système des centrales des moins mobiles que je soutiens depuis quelque temps et qui est en place en Flandre, bien installé – et, en dernier recours, vers des solutions taxis. Il faut que la plateforme puisse être active partout, non seulement dans la ruralité, mais aussi dans les villes en dehors des heures classiques quand des gens veulent rentrer le dimanche à 5 heures du matin après avoir fait la fête, il n’y a pas plus de solutions à Charleroi qu’il n’y en a dans un village en périphérie.
Récemment, j’ai précisé que les moyens budgétaires régionaux initialement consacrés aux financements des structures locales de coordination seraient dans le futur dédiés à la mise en place et au fonctionnement d’une structure régionale unique. Il me semble néanmoins essentiel que cette nouvelle structure soit mise en place dans les meilleures conditions organisationnelles pour tous les acteurs dans ce domaine. J’ai prévu une phase de transition, durant le premier semestre de l’année 2018, au cours de laquelle la collaboration avec les ASBL locales est conservée.
J’ai prolongé de six mois les subventions de tout le monde, à condition qu’ils s’inscrivent dans la logique, parce que cela fait déjà deux fois que je fais cela : il y a un an, nous leur avons dit la même chose ; cette fois-ci, c’est bien la dernière fois : ils s’inscrivent dans la nouvelle structure ou alors ils vivent leur vie, ce qui est tout à fait légitime.
Des rencontres au sein de mon cabinet ont été et seront encore proposées afin de discuter des modalités pratiques de cette collaboration. Le dossier organisant ce service de mobilité rurale sera présenté dans les prochaines semaines au Gouvernement ; c’est la coupole, c’est la création de la structure régionale. Elle est décrite dans le cadre du schéma régional de mobilité qui sera établi dans la foulée de la vision générale de la mobilité pour 2030, qui vient d’être adopté par le Gouvernement.
Je vous remercie pour ces informations. Si la question a été posée, c’est justement dans la crainte de l’avenir pour ces ASBL. Que fait-on au 1er janvier ? Vous me dites ici que le crédit est prolongé de 6 mois, ils ont devant eux 6 mois. Je crois que l’attitude n’est pas de rester seuls dans son coin ; au contraire, ils sont bien heureux d’avoir appris que cela allait se généraliser. La crainte était : « Que font les communes pour leur budget 2018 ? Laisse-t-on le même subside cette année que l’année 2017 ? Dans mon cas, c’est 7 500 euros. Que doivent-ils faire avec le personnel à partir du 1er janvier puisqu’elles ont du personnel à payer ? » Si vous me dites que le crédit est prolongé de 6 mois et que l’expérience se poursuivra, ce n’est que de bon augure pour l’avenir de cette plateforme régionale.