Question orale du 06/11/2018 à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

Madame la Ministre, à la suite de la diffusion de l’émission Questions à la Une sur les terrains synthétiques, de nombreuses personnes qu’elles soient joueurs, parents de joueurs ou dirigeants de clubs se posent la question par rapport à la dangerosité de ceux-ci.

Vous indiquiez récemment qu’aucune étude ne déconseille l’utilisation des terrains synthétiques dont le matériau de remplissage est composé de granules de caoutchouc – SBR en pneu recyclé. Le message est donc rassurant.Toutefois, vous annoncez également l’arrivée de nouvelles dispositions des seuils de concentration maximale en hydrocarbures aromatiques polycycliques – HAP – et des contrôles conditionneront désormais l’octroi d’un subside par la Région wallonne.

Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les analyses réalisées et leurs conclusions concernant les risques pour la santé ? Y a-t-il des mesures de précaution ?

Les instances d’avis santé ou organe de recherche ont-ils rendu avis – je pense au Conseil supérieur de la santé ou le Centre fédéral d’expertise des soins de santé ? Y a-t-il eu concertation avec le Fédéral


La réponse de la Ministre

Madame la Députée, ma réponse sera assez longue, compte tenu des enjeux en question.

Dès ma prise de fonction, j’ai été très sensible à cette problématique qui, comme vous le savez certainement, n’est pas neuve et a été soulevée dans d’autres pays comme les États-Unis depuis de nombreuses années. J’ai très rapidement demandé à mon administration de prendre différentes mesures afin de s’assurer que les terrains en synthétique subsidiés par la Région wallonne respectent les normes strictes rencontrant les recommandations émises par les dernières études scientifiques portant sur le sujet, dont celle formulée par l’Agence européenne des produits chimiques en 2017.

Cette étude est, pour l’instant, l’étude de référence en Europe sur le sujet.  Ainsi, lors de ma prise de fonction, le cadre normatif qui était d’application pour les terrains de sport en synthétique n’abordait pas les concentrations autorisées en matière de HAP, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, et seules les normes européennes REACH s’imposaient d’elles-mêmes aux constructeurs. On parle bien des billes de remplissage et pas des terrains en tant que tels.

L’actualisation de ce cadre normatif wallon, dont la dernière version date de 2013, nous permet maintenant d’imposer des normes plus strictes en Wallonie pour l’ensemble des terrains subsidiés.

Pour rappel, le cahier des charges pour l’actualisation de ce cadre a été finalisé fin 2017; on l’attendait dans courant de l’année 2018. La réactualisation de ce cadre par l’administration wallonne était toujours en cours au moment du tournage de l’émission Questions à la Une diffusée voici quelques jours par la RTBF. 

Ces résultats me sont parvenus à la veille du congé de Toussaint. Je les ai immédiatement communiqués en date du 25 octobre, lors d’une conférence de presse ayant pour objectif de présenter les nouvelles dispositions prises par la Wallonie afin d’encadrer au mieux la conception de ces terrains. Il y a eu plusieurs questions parlementaires sur le sujet et j’ai chaque fois précisé les objectifs :actualisation du cadre normatif, guide de recommandations – j’y reviendrai. 

Je me permets toutefois une incise au sujet de l’émission en question et je souhaite vous faire part de mon indignation quant au déroulement de l’interview à charge et emprunte d’agressivité que j’avais dénoncée tout de suite après le tournage, bien avant sa diffusion. Il y a, selon moi, des règles déontologiques qu’il convient de respecter et qui, sous le couvert de sensationnalisme, ont été volontairement laissées de côté.

Pour en revenir au sujet qui nous importe, les études réalisées par les organismes reconnus et officiels, telle l’Agence européenne des produits chimiques, sont rassurantes. L’ECHA conclut ainsi que l’exposition aux granules de caoutchouc recyclés est tout au plus très peu préoccupante et ne trouve aucune raison de déconseiller la pratique de sport sur de tels terrains. Les différents contacts pris avec la ministre fédérale de la Santé, Mme De Block, vont également dans ce sens.

Aussi, même si les études se montrent rassurantes, je tenais toutefois à prendre des mesures particulières de précaution. Il y en a quatre:

  • des normes wallonnes 310 fois plus strictes que les normes européennes, je vais vous l’expliquer;
  • des contrôles;
  • un guide wallon de recommandations;
  • un groupe de travail avec le Fédéral et lesRégions.

Premièrement, concernant les normes wallonnes, plusieurs centaines d’échantillons ont été prélevés sur des terrains synthétiques en Europe. Sur cette base, l’Agence européenne des produits chimiques, l’ECHA, a pu affirmer qu’il n’y avait aucune raison de déconseiller la pratique du sport sur des terrains synthétiques.

L’explication est simple : au niveau des concentrations en HAP observées, le risque pour la santé est très faible, inférieur à un sur 1 million. Dans les faits, les analyses effectuées révèlent des concentrations inférieures à 50 milligrammes par kilogramme, alors même que la norme REACH impose aux fabricants une concentration inférieure à 6200 milligrammes par kilogramme pour les huit HAP de l’Union européenne dits cancérogènes.

L’Agence européenne des produits chimiques recommande d’ailleurs de revoir les normes à la baisse. Selon elle, le seuil de concentration maximale devrait être fixé à 20 milligrammes par kilogramme.  Au travers de son nouveau cadre normatif, la Région wallonne anticipe l’application de ces recommandations en imposant, dans le cadre de chaque demande de subsides, des nouvelles normes plus strictes.

Contrairement aux normes REACH qui autorisent une concentration de 6200 milligrammes par kilogramme pour les HAP, les nouvelles normes wallonnes imposent désormais une concentration de 20 milligrammes par kilogramme, soit une concentration de 310 fois moins élevée que les normes européennes en vigueur.

Au niveau des métaux lourds, la norme jouets EN71-3, qui simule l’ingestion, sera également d’application. La concentration en zinc maximale autorisée sera par ailleurs de 0,5 milligramme par litre, alors que l’arrêté du Gouvernement wallon du 3 mars 2005 autorise une concentration maximale de 5 milligrammes par litre en zinc en fin de réseau de distribution, c’est-à-dire à la sortie du robinet. Le cadre normatif est donc publié, il est accessible depuis le 25 octobre dernier sur le site Internet de la Région wallonne. Comme je vous l’ai dit, il résulte d’une procédure de marché public. On n’a donc pas attendu les émissions de la RTBF pour sortir ce cadre normatif.

Deuxièmement, des contrôles pour les terrains subsidiés, des contrôles obligatoires. Les nouveaux terrains synthétiques avec remplissage de type SBR devront désormais se soumettre à des contrôles qui conditionneront l’octroi de subsides. Les porteurs de projet sont ainsi obligés, depuis mars 2018, de faire analyser par un laboratoire agréé la teneur en métaux lourds et en HAP des matériaux mis en œuvre lors de chaque projet subsidié. Des résultats conformes aux valeurs imposées sont indispensables en vue de la réception provisoire des chantiers, donc de la liquidation des subsides. Les analyses que nous imposons sont réalisées selon trois procédés: 

  • au niveau de la matière sèche, donc les granules en tant que tels;
  • en portant la température de la matière à environ 70 degrés, la température du revêtement pendant les périodes de forte chaleur pouvant atteindre 60 degrés au niveau du sol. Ce test permet de vérifier une éventuelle diffusion des HAP dans l’air ambiant;
  • en liquéfiant la matière, conformément à la méthode d’essai de l’ECHA.

À l’heure actuelle, deux nouveaux terrains ont été contrôlés : celui de Frasnes-lez-Anvaing et celui de Chapelle-lez-Herlaimont. Les résultats se situent en deçà des nouvelles normes qui, je le rappelle, sont de 20 milligrammes par kilogramme, puisque la concentration en HAP qui a été observée est inférieure à 3 milligrammes par kilogramme.

Ensuite, les contrôles pour les terrains non subsidiés seront encouragés via un incitant financier. Compte tenu de mes attributions qui se limitent aux terrains subsidiés, il me tenait toutefois à cœur d’inciter l’ensemble des porteurs de projet à réaliser de telles analyses et à en communiquer les résultats à leurs utilisateurs. 

Un incitant financier sera dès lors mis en place pour la prise en charge de ces contrôles. On estime le prix de ces contrôles à environ 1500 euros et, avec mon administration, je suis en cours d’élaborer un règlement qui permettra de prendre en charge une partie de ce coût. 

Troisièmement, le guide wallon des recommandations qui était également en cours d’élaboration depuis plusieurs mois, comme j’ai déjà pu m’exprimer lors de précédentes questions parlementaires, parallèlement au nouveau cadre normatif et au contrôle précité, un guide de recommandations est prêt. Il fait l’objet actuellement d’une relecture afin de présenter les nombreux conseils de manière didactique, avec des coloris, des pavés pour attirer l’attention de tout un chacun.  Celui-ci s’adressera à l’ensemble des gestionnaires et des utilisateurs de terrain et reprendra l’ensemble des normes à respecter pour la conception, la construction, l’entretien et l’utilisation des terrains ainsi que les mesures d’hygiène de base à prendre après avoir joué sur un terrain synthétique. La volonté est que ce dernier soit accessible à un public large et pas uniquement aux seuls bénéficiaires des subventions wallonnes. Ce guide qui est prêt sera prochainement publié sur le site de la Région wallonne. 

Quatrièmement, concernant un groupe de travail avec le Fédéral et les Régions, en effet, à la suite de l’introduction par les Pays-Bas d’un dossier, auprès de la Commission européenne, visant à rendre les normes plus strictes, je souhaite mettre sur pied un groupe de travail composé de la ministre fédérale de la Santé et de mes homologues flamand et bruxellois, afin d’envisager de prendre éventuellement des mesures communes sur la problématique, et surtout d’échanger toute une série d’informations qui sont en possession de nos ministères respectifs.

Pour votre information, il semble que les Pays-Bas veulent diminuer la norme de 20 à 17. Pour le moment, la norme préconisée est de 20. Dans ce cadre, une concertation intrafédérale me semble intéressante et surtout nécessaire. 

Excusez-moi d’avoir été longue, mais il me semblait important de faire le point sur l’ensemble de la problématique. Merci pour votre attention.


Madame la Ministre, merci pour cette réponse bien détaillée. Cela en vaut la peine parce que de nombreuses personnes se posent des questions. 

Petite précision, la question avait été déposée avant l’émission sur base de votre déclaration du renforcement des normes justement.  J’ai une question : que fait-on des terrains construits avant ceux subsidiés aujourd’hui ? Des contrôles sont-ils prévus ? Histoire de rendre confiance aux utilisateurs parce que le doute est semé par ces déclarations. Une bonne communication avec les fédérations de sport est nécessaire; celles-ci pourront repasser cette information aux gestionnaires de club, car ce sont eux les plus interpellés. En effet, lorsque vous avez un club avec un terrain qui existe ou qui est en passe d’être réalisé – c’est le cas dans ma commune – les parents posent énormément de questions. La communication est importante, mais c’est vrai qu’il est aujourd’hui difficile de communiquer. On n’a jamais eu autant d’outils, mais les gens ne lisent plus. 

Je crois que la dernière partie de votre réponse au niveau d’une notice d’utilisation et des conseils importants, la diffuser fortement serait une bonne chose.


La réponse de la Ministre

Madame la Députée, merci pour la question supplémentaire.

Effectivement, le guide de recommandations s’adresse à tout le monde. Comme ce thème n’est pas neuf, certains clubs et certaines communes ont procédé à des analyses, mais l’administration, une fois le dossier clôturé, n’a pas nécessairement été informée de toutes les analyses exécutées par telle ou telle commune. 

L’incitant financier, s’il y a un doute par rapport aux matériaux de remplissage, je rappelle que ce sont bien les matériaux et pas les terrains en tant que tels, lorsque ces terrains doivent être entretenus et que les matériaux doivent être réutilisés, on ne va pas tergiverser. Si une commune ou un club souhaite un conseil par rapport au matériau de remplissage, l’administration sera tout à fait attentive également à cette question. 

Je sais qu’il y a déjà des clubs qui ont pris les devants et des initiatives, mais s’il y a un incitant qui peut aussi aider les clubs et les communes, ils seront inclus dans l’appel à projets

Partagez sur les réseaux sociaux